Au delà des aspects connus de la visite d’achat, d’autres le sont moins. C’est la raison pour laquelle il faut commencer cet article par une définition de la visite d’ »achat avant d’aborder son utilité et d’en voir les conséquences juridiques parfois étonnantes et notamment si le vétérinaire émet des réserves.
C’est, rappelons le, un domaine où le vétérinaire engage très souvent sa responsabilité.
C’est même le contentieux le plus nourri avec les problèmes survenant après une castration.
La définition est traditionnellement donnée par la doctrine comme « l’ examen médical par lequel le vétérinaire mandaté par l’ acheteur évalue l’ état de sante du cheval au jour de la visite, et son aptitude à l’ usage déterminé .
C est donc un check up réalisé à la demande de l’acheteur et pour un usage déterminé.
Les examens pratiqués à cette occasion sont variables en fonction du but assigné à ce cheval et à son prix.
Cette visite d’achat permet d’écarter, après concertation avec le vétérinaire, les chevaux présentant des vices qui les rendent potentiellement impropres à l’usage attendu, d’où l’importance de cet examen.
Non, aucun texte n’est là pour inviter à réaliser une visite, pour valider une vente.
En revanche, un arrêt rendu par la CA de Rouen le 01/12/2004, très connu des avocats, a retenu que « l’acheteur d’un cheval, ne pouvait demander la résolution de la vente pour un vice qu’il pouvait facilement découvrir, si comme aurait du le faire un acheteur normalement avisé, il avait procédé à un examen complet de l’animal. ».En l’espèce l’acheteur pratiquait le CSO depuis une dizaine d’années, mais l’expression « normalement avisé » s‘adresse à tous.
Le défaut de visite est sanctionné en général par un partage de responsabilité entre le vendeur et l’acheteur et si d’aventure l’acheteur est un professionnel ou un amateur qualifié, l’impossibilité de solliciter la résolution de la vente, faute de s être donné les moyens de découvrir un vice caché .Ce point doit donc être connu pour envisager les responsabilités encourues.
Le vétérinaire est le mandataire de l’acheteur et celui-ci pourra engager sa responsabilité si ce dernier a commis une erreur d’appréciation dans la limite de son obligation de moyens.
Cette obligation, s’entend de la mise en œuvre des moyens propres à assurer cette mission .Toutefois le vétérinaire n’est pas devin ! Dans deux cas au moins, sa responsabilité est exclue.
-en premier lieu, si le vice n’existait pas au jour de sa visite .Cela parait évident mais il n’est jamais simple de déterminer le moment où ce vice est apparu, sauf à lire des radiographies. Et le vice était il un » germe « par exemple, sans caractérisation d’une boiterie, ce qui aurait nécessité une réserve.
-en second lieu, si le vendeur a administré un traitement propre à masquer un vice ou n’a pas révélé une pathologie existante .Dans ce cas, qui n’est pas anecdotique, non seulement le vétérinaire ne pouvait donner un avis circonstancié, mais la réticence
dolosive du vendeur est généralement sanctionnée par des dommages et intérêts importants .
Dans une espèce connue, la CA de Rennes du 12/02/2004, la venderesse n’avait pas révélé que la ponette vendue avait été soignée pour une uvéite aigüe par le passé.
La dissimulation de ce passé entraine la nullité de la vente pour dol.
En dehors de ces circonstances particulières, il faut s’interroger sur le sort des réserves émises par le vétérinaire et leurs conséquences juridiques.
Il semble difficile d’imaginer qu’il puisse être recherché, sauf à considérer que l’acheteur est passé outre cet avis ,et a découvert ultérieurement une autre lésion non détectée par le vétérinaire, cas d’espèce assez improbable .
Dans ce cas l’acheteur pourra-t-il solliciter la résolution de la vente ?
Deux décisions méritent un regard attentif .
Un cavalier avait acheté un cheval de CSO souffrant des antérieurs avec une ancienne chirurgie du pied.
La vente avait été conclue, malgré une réserve relative à une pathologie mineure du boulet .Le Tribunal a pu dire que le vendeur ne pouvait exiger la garantie de conformité du bien, en invoquant un défaut de conformité qu’il connaissait, ou ne pouvait ignorer. La demande de résolution a donc été rejetée.
Des radiographies prises, lors de la visite d’achat, avaient fait apparaitre au niveau de l’antérieur droit, une fissure profonde du sabot.
Cette affection s’était aggravée par la suite, impliquant une interruption des compétitions .La Cour a considéré que le vice, ayant été révélé à l’occasion des vérifications effectuées lors de la visite d’achat , ne pouvait enter dans la catégorie des vices cachés ,au motif qu’il n’aurait pas été porté à la connaissance des acheteurs .La Cour ajoute qu’il appartient aux acheteurs ,non professionnels mais suffisamment avisés ,en raison du niveau élevé des compétitions pratiquées par leur fils , de prendre toutes précautions pour contrôler les interprétations qui pouvaient être faites des clichés, en raison de l’ importance de l’investissement, et nonobstant la fonction prestigieuse du vétérinaire.
Ces deux exemples révèlent cet aspect obscur de la visite d’achat.
En présence de réserves, l’acheteur ne peut plus invoquer ce vice pour justifier une résolution ou prétendre que cette réserve n’était pas suffisamment explicite pour attirer son attention. Il lui appartient de solliciter des éclaircissements nécessaires pour prendre une décision en toute connaissance de cause.
Même un avis favorable ne semble pouvoir remettre en cause ce principe. Le vice devient connu de l’acheteur et la garantie de délivrance du vendeur ne peut plus être mise en cause.
Dans le champ de la responsabilité contractuelle, c’est l’acheteur qui a mandaté son vétérinaire et dans la limite de l’obligation de moyen du vétérinaire : c’est normal.
En revanche, ce qui l’est moins, c’est le cas du vendeur de bonne foi, qui constatant une faute du vétérinaire, agit dans le cadre de la responsabilité quasi délictuelle.
Sur les demandes formées par les acheteurs contre le vétérinaire ayant procédé à la visite d’achat : si le vétérinaire a, à cette occasion, signalé l’existence d’une lésion au niveau du boulet droit , il a noté que cette lésion était calée , ce qui, selon l’expert judiciaire, constitue une erreur d’appréciations s’agissant d’une arthropathie dégénérative. Cette erreur a influencé les acheteurs qui, s’ils avaient été informés de cette affectation et de son retentissement sur les capacités sportives de l’animal, ne l’auraient pas acheté, En conséquence le vétérinaire a commis une faute qui engage sa responsabilité à l’ égard des acheteurs .Toutefois seul celui dont la chose est vendue doit restituer à celui-ci le prix qu’il en a reçu. Ainsi il ne saurait être condamné à restituer le prix de la vente, mais sera condamné à verser une indemnisation. Si le vétérinaire avait établi un diagnostic exact, il est certain que le vendeur n’aurait pas vendu cet animal comme cheval pouvant participer à ces compétitions, que la vente intervenue dans ces conditions lui a causé un préjudice. Cette faute engage la responsabilité du vétérinaire, qui ne pourra pas être condamne à garantir la restitution du prix de vente. Par contre il devra garantir le vendeur de sa condamnation à indemniser les acheteurs de leur préjudice.
Ainsi donc, le vétérinaire est bien condamné à rembourser au vendeur son préjudice, à l’exception du prix de l’animal .Cette jurisprudence est intéressante et l’appel en garantie du vétérinaire se fera de plus en plus, soit par l’acheteur, soit par le vendeur, car les deux parties supportent effectivement les conséquences de cette erreur.
Avec les conséquences pour l’acheteur des réserves émises, cet autre point sur l’indemnisation du préjudice, méritait d’être évoquée.