Les clauses limitatives de responsabilité (partie 1)
droit équin du côté des éleveurs
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4 décembre 2016
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Les clauses limitatives de responsabilité (partie 1)

défaut de comportement et défaut de conformité droit équin

Il n’est plus de station de monte publique ou privée, qui vous accueille avec votre jument sans préalablement faire signer un contrat de saillie et de pension, prévoyant une ou plusieurs clauses limitatives de responsabilité. Quelle est la valeur de telles clauses ? La réponse est presque au cas par cas.

Il y a d’abord les clauses nulles, comme les clauses de non obligation ou les clauses exonératoires de toute responsabilité, quelque soit la qualité des co-contractants.

Il y a les clauses abusives lorsqu’elles sont proposées par un professionnel (centre agrée, vétérinaire) à un éleveur amateur. Il s’agit aussi bien des clauses limitatives de responsabilité que de clauses limitatives de valeur de votre jument .Ces clauses ne sont valables qu’entre professionnels et sous certaines conditions seulement.

Si le sinistre qui occasionne l’application de cette clause limitative de responsabilité intervient alors que la jument est au boxe ou au pré, ces clauses n’ont pour effet que de renverser la charge de la preuve, selon certaines décisions de tribunaux ou de Cours d’appel.

Il est donc bien difficile d’avoir un avis définitif, et ces clauses feront nécessairement l’objet d’une contestation, si le sinistre intervient une nouvelle fois au pré ou au boxe.

Il en va différemment, si l’accident se produit pendant l’insémination de la jument et entre professionnels seulement.

Autrement dit, ces clauses ne sont pas la panacée pour échapper à une responsabilité éventuelle, et elles sont examinées avec la plus grande circonspection par les tribunaux.

Mieux vaut donc leur préférer les clauses de valeur déclarée d’un commun accord, sur le prix de la jument accueillie. Ces clauses sont valables entre professionnels et particuliers et elles limitent considérablement la valeur de l’animal, qui une fois mort, nous le savons tous, vaut de l’argent et des paroles…….

Deux exemples de cette complexité jurisprudentielle

1. Cour d’appel d’Agen – 1re chambre 26/06/2002

Monsieur L est propriétaire d’une jument suitée qu’il confie à M, aux fins d’une nouvelle saillie .M va faire sortir la jument pour la présenter à l’étalon, mais la pouliche, restée enfermée dans un box porte haute ouverte, va sauter la porte basse et se blesser tellement gravement qu’il faudra l’euthanasier.

Monsieur L, débouté de sa demande de dommages et intérêts en première instance, saisit la Cour.

Le Haras soutenait que sur ses documents publicitaires la mention « Le Haras décline toute responsabilité en cas d’accident ou de mort » ; de son côté L contestait avoir eu connaissance de ce document.

La Cour constate que les parties étaient déjà en relation d’affaires mais que cela était insuffisant pour « démontrer ou faire présumer que L était au fait de la dite clause »

Les Magistrats précisent « qu’en tout état de cause, si tel avait été le cas, cette clause aurait été inopposable à L, dans la mesure où le dépositaire dans le cadre d’un contrat de dépôt ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en invoquant la force majeure »

Les Juges rappellent que le dépôt étant salarié, M était tenu d’une obligation de moyens renforcée.

Les magistrats considèrent « qu’ils connaissent ainsi les risques liés à la garde d’une pouliche âgée d’un mois ,séparée de sa mère, et ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel dans un milieu hippique, qu’elle pouvait tenter de s’échapper de son boxe ; qu’il n’ existe pas en l’espèce de cas de force majeure alors que l’accident dont il s’agit était prévisible et non irrésistible ; qu’il aurait donc du fermer la partie supérieure du boxe, lorsqu’il a séparé le jeune animal de sa mère ,afin de s’assurer de la sécurité du premier ; qu’en ne le faisant pas, il a commis une faute contractuelle en relation de cause à effet avec l’accident ayant entrainé l’abattage de la pouliche ».

La Cour réforme donc la décision et condamne l’étalonnier à payer 1000€, faute pour le propriétaire d’apporter les éléments probants justifiant sa demande

2. Cour d’appel de Caen – 04/07/2006

Le propriétaire d’une pouliche a signé « une convention de prise de pension »avec un haras .La pouliche a été remise en dépôt au haras, et s’est accidentée en sautant la clôture d’un pré.

La convention liant les parties comporte des clauses d’exonération et de limitation de responsabilite.Il est notamment stipulé au chapitre « obligations du haras » « Le haras entend toutefois se dégager de toute responsabilité relative au maniement des chevaux, juments et poulains lors de l’entrainement,

de la mise à l’herbe, de l’embarquement ,du débarquement, et du transport, du poulinage, de l’administration des vermifuges, et plus généralement de toutes les manipulations nécessitées par les soins d’usage et autres actes accomplis par le vétérinaire, le dentiste et le maréchal-ferrant dans l’enceinte du haras. Le propriétaire dégage le haras et son personnel pour tout accident ou maladie survenu aux chevaux durant leur séjour. »

Dans le cadre du contrat de dépôt les clauses d’exonération de responsabilité sont en principe valables , à condition de ne pas dispenser le dépositaire de toute surveillance de la chose, la garde étant l’essence même du contrat de dépôt .L’insertion d’une clause dans le chapitre « assurance »du contrat selon laquelle le haras prend à sa charge l’assurance des risques de responsabilité civile découlant de la garde des chevaux qui lui sont confiés dans la limite de 10670€ par animal, démontre que les parties n’ont pas entendu exonérer le haras des conséquences des ses fautes dans cette limite. La première clause énoncée au chapitre « obligations du haras »a seulement pour conséquence de renverser la charge de la preuve et donc d’imposer au propriétaire de la pouliche de rapporter la preuve de la faute commise par le haras.

La hauteur du portail sauté par la pouliche, à savoir 1.50 m, ne pouvant être considéré comme insuffisante au regard des attestations objectives des haras nationaux. Deux témoins sans lien d’intérêt avec les parties, attestent que la barrière sautée par la pouliche était bien munie d’un fil électrique la veille de l’accident, et que le matin de l’accident, après que la pouliche ait franchi le portail, celui-ci était tordu et la cordelette distendue.

Aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité ne peut être reproché au haras .Le propriétaire de la pouliche doit donc être débouté de l’ensemble de ses demandes.

Jean –Marie Charlot Avocat au TGI de Chaumont et à la Cour d’Appel de Dijon

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